14

oct

par Jean Bresson

L’homme face à lui même

S’il est un film que l’on peut sans hésitation classer parmi les plus grandes oeuvres anticapitalistes, There Will Be Blood s’impose aisément. Loin des playdoyers de Ken Loach ou du manichéisme d’Oliver Stone, il s’agit d’une oeuvre ammoral et cynique, magistralement incarné par Daniel Day-Lewis (oscarisé pour ce role).

Le capitalisme à ses sources

Nous sommes au début du 20e siècle, en Californie. La grande période  de l’Ouest sauvage est presque révolue. Daniel Plainview, tout juste installé avec son fils unique, entend faire fortune en exploitant le pétrole d’une petite communauté. Très vite, son succès va suciter de graves tensions dans la petite ville, et lui creer des ennemis. Notamment Eli Sunday, le charismatique predicateur .
Il est donc clair que le récit nous situe au moment même de la naissance du capitalisme, alors meme que de grand investisseurs cherche à faire de cet Ouest encore sauvage une terre de fortune.

Nous sommes au début du 20e siècle, en Californie. La grande période  de l’Ouest sauvage est presque révolue. Daniel Plainview, tout juste installé avec son fils unique, entend faire fortune en exploitant le pétrole d’une petite communauté. Très vite, son succès va suciter de graves tensions dans la petite ville, et lui creer des ennemis. Notamment Eli Sunday, le charismatique predicateur .Il est donc clair que le récit nous situe au moment même de la naissance du capitalisme, alors meme que de grand investisseurs cherche à faire de cet Ouest encore sauvage une terre de fortune.

Une apologue

Ici chacun est à sa juste place, et semble tenir un role prophétique.

Le « self-made-man » Daniel Plainview est un ermite purgé de tout bons sentiments, representatif d’un système individualiste. L’homme finira d’ailleurs par se retourner contre son propre fils.

Eli Sunday represente l’Eglise superstitieuse de ces années là, d’abord très hostile au système incarné par Plainview, mais finalement très lié à celui ci : le jeune predicateur demandera tout au long du film à recevoir l’argent promis par l’investisseur, et sera finalement trainé dans la boue par celui ci. Une allégorie qui nous rapelle comment le capitalisme s’est petit à petit aproprié le christianisme au début du 20e siècle.

Le fils de Daniel Plainview est un jeune homme qui, suite à un incident spectaculaire près des gisements, finit sourd et, par ce fait, presque muet. Enfant d’un système qui l’a meurtri, voyant peu à peu sa haine croitre envers celui qui l’a exposé à tant de dangers et finira par l’abandonner, il incarne l’héritier blessé d’un capitalisme qu’il vomit mais que, par pragmatisme, il finira par accepter. L’une des dernières scènes du film, et sans aucun doute la plus poignante, met le père et le fils face à face : ce dernier lui annonce qu’il désire creer ses propres gisements ; Daniel Plainview ne voit plus en lui qu’un concurrent et, plus exactement, un « batard trouvé dans un panier ».

Une entreprise d’abord « familiale »

L’objet du film

Plus qu’une véritable charge contre le système, There Will Be Blood relève plus du constat pessimiste, cynique et profondemment ammoral. Et dire que le film s’en prend au capitalisme serait encore une faute : en réalité, c’est la nature humaine que, dans une approche très kubrickienne, le réalisateur entend désacralisé. Car ce capitalisme assassin découle avant tout d’une inclinaison naturelle pour le meurtre, la folie, le sang, les larmes…  la vertue d’Eli Sunday ne surpasse pas celle de  Daniel Plainview, les gens du village ne sont en rien sympathiques, et le fils, d’abord montré comme une victime, finit par rentrer dans le rang.

Le titre est donc révélateur : Il yaura du sang. Avant tout, il expose l’idée dun cycle sans fin : l’humanité ne peut se décharger du poid de la violence, l’Histoire etant constitué de rapports de forces.

Et c’est ensuite une culpabilité universelle qui nous apparait : Eli Sunday (l’Eglise) a du sang sur les mains, Daniel Plainview (capitalisme) a du sang sur les mains, car l’humanité a et aura toujours du sang sur les mains.

Mais une humanité capable de se laver de ses péchés

En conclusion

Si There Will Be Blood est à ce jour considéré comme un chef d’oeuvre, c’est qu’il ne souffre d’aucune leçon de morale ou de partit prit pour l’une ou l’autre doctrine. Le capitalisme n’est qu’une image qui, a fortiori, entend dépeindre la condition humaine. Paul Thomas Anderson évite donc les pièges tendus par les artisants de la « contestation », pour livrer une oeuvre forte, profondement pessimiste et glaciale.

A voir pour Daniel Day-Lewis, dont la performance se passe de commentaires, et pour sa mise en scène superbe.

Jean Bresson